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MIDI LIBRE
Edition du 21 Novembre 2004

Roger Pinel : quatre fois le tour de la terre à vélo

Les Randonneurs narbonnais fêtent leur anniversaire aujourd'hui. 80 ans exactement.
Et toutes leurs dents. Ça vaut bien un petit tour de ville - après la traditionnelle sortie dominicale -, une belle photo de famille sur le parvis de la mairie, un bon repas dansant à Montplaisir.
Avec un grand plateau et un énorme gâteau. Aux pignons sans doute.

Dans quelques jours, le 7 décembre précisément, l'un d'entre eux soufflera 82 bougies. Roger Pinel n'est pourtant pas le doyen des cyclotouristes (le plus vieux club de la ville, après la Société nautique et le Racing, bientôt centenaires). Le doyen, c'est Marc Broutin. A deux ans près (1)... Mais Roger est un "cadre". Le plus fidèle des licenciés. Depuis 1974 exactement. 30 ans ! « C'est mon fils Jean-Pierre, enseignant dans l'Eure, et mon neveu Henri Aupin, qui m'ont mis le pied au cale-pied. » A l'heure d'une retraite de cheminot bien méritée. Finis les trains. Place au train-train.

« Avant, je n'allais guère qu'au jardin et à la vigne à vélo », précise l'octogénaire qui possédait, il est vrai, sur le Quatourze, 10 000 bons pieds, quand il avait encore bon oeil. 10 000 ceps et des quadriceps hérités de son père.

Auguste Pinel était aussi cheminot de métier. Cycliste contraint et forcé. De la maison familiale, rue Arago, à la cave coopérative. « Quand il refusait de mettre le casque pour aller chercher une bombonne de vin, je démontais le moteur de son Solex », se souvient Roger qui ne manque pas de bons souvenirs. Et de mauvais ? « J'ai beau chercher... Peut-être mon unique chute. Je n'avais plus l'âge de rouler à l'avant du groupe. Il tombait des cordes ce jour-là, du côté de Ripaud. Alors, j'incitais les autres à la plus grande prudence, à lever le pied, à freiner doucement. Et moi, j'ai fait l'inverse ». Voilà pour le seul pépin, un jour de pluie. Son seul abandon. Alors qu'il courait en queue de peloton, avec les dames. Et non après... C'est que Marthe, son épouse, n'aurait pas été d'accord. Marthe, la petite... "reine mère" des Randonneurs narbonnais. « Je confectionnais les casse-croûte, je faisais office de voiture-balai... J'étais à leurs petits soins », avoue-t-elle. Comme sa gracieuse majesté veille sur ses fidèles sujets. Et Robert pédalait encore, remplissant sa musette d'anecdotes.

A l'époque où l'on ne parlait que du Blaireau (NDLR : Bernard Hinault) sur les routes du Tour de France, c'est un sanglier, en chair et en os, qui se glissa au sein des cyclotouristes narbonnais.
« C'est vrai, confirme Guy Lanchier, qui fête, lui, 20 ans de présidence. C'était dans l'ascension de Coulouma, entre Saint-Chinian et Saint-Jean-de-Minervois, où nous grappillions toujours quelques grains de muscat. Je me demande comment Roger s'en rappelle parce qu'il était devant, comme souvent, avec son petit gabarit de grimpeur. Ce n'est peut-être pas notre doyen mais, en deux mots, c'est notre mascotte. Il y a peu encore, il nous accompagnait... » De bon matin, sur les chemins, à bicyclette (on connaît le refrain). Parfois même la nuit.

« Il y a une vingtaine d'années, j'ai participé à "Pâques en Provence", une randonnée de quelque 350 km organisée par les "Audax de Paris", jusqu'à Fontvieille, au pied du fameux moulin d'Alphonse Daudet. Autant vous dire que la dynamo tournait... On faisait tamponner les cartes de route par les commerçants, comme cette épicière de Couiza, surprise de nous voir passer par ici pour aller là-bas. On le faisait, histoire de rallonger le parcours. Ou encore comme ce boulanger, du côté d'Arles, qui se demandait bien si on allait sortir du pétrin (sic). On prenait le repas du samedi midi au "Grillon", siège du club, et celui du soir à Sète, où on "s'envoyait" une bonne tielle. »

Roger Pinel en avait encore sous la pédale. Son dernier exploit ? Sa plus grande fierté sans doute ? « J'ai gravi le Mont Ventoux à trois reprises. La dernière fois en 97. A 75 printemps ! » En tout et pour tout, Roger a effectué 240 000 bornes, le c...sur la selle. Soit quatre fois le tour de la terre. Ça mérite bien qu'il ouvre le bal, tout à l'heure. En roi du vélo. Au bras de "sa" petite reine mère.


Gérard CATHALA


 

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